La SSA, c'est l'idée de garantir un accès universel à l'alimentation par la création d'une nouvelle branche de la sécurité sociale et par la démocratisation du système alimentaire.
Depuis une vingtaine d'années, l'idée d'une "Sécurité Sociale de l'Alimentation" (SSA) gagne du terrain grâce au travail de collectifs de citoyens, de paysans, d'associations, de chercheurs et plus récemment de collectivités territoriales.
La SSA, c'est l'idée de garantir un accès universel à l'alimentation par la création d'une nouvelle branche de la sécurité sociale et par la démocratisation du système alimentaire. Tout le monde aurait un accès garanti a une alimentation choisie via un crédit par mois et par personne lui permettant d'acheter des produits conventionnés. Le choix des produits éligibles serait réalisé de manière démocratique, redonnant du pouvoir d'agir aux mangeurs et permettant de réorienter les productions agricoles vers un système alimentaire plus vertueux.
Car le tableau actuel de notre système alimentaire est inquiétant : en France, 8 millions de personnes vivent en insécurité alimentaire. 18% d'agriculteurs vivent sous le seuil de pauvreté. Les indicateurs de santé (obésité, diabéte...) explosent, de même que ceux relatifs aux dommages sur l'environnement. Les réponses actuelles s'inscrivent le plus souvent dans des politiques sociales de soutien aux plus pauvres, reposant sur la filière de l'aide alimentaire majoritairement approvisionnée par les invendus de la grande distribution.
Des études récentes ont chiffré les impacts négatifs de notre système alimentaire pour la société et la planète : 19 milliards d'euros. Ce sont les "coûts cachés de notre alimentation". Ces coûts sont le reflet de choix politiques et économiques, le système alimentaire actuel étant très largement soutenu par de l'argent public.
Les acteurs de la SSA nous invitent à requestionner le système en changeant complètement de logique, pour aller vers un système universel de "droit à l'alimentation" qui soit garant d'une rémunération juste et des conditions de travail dignes aux paysans, qui préserve l'environnement, les ressources naturelles et la santé.
Des initiatives SSA émergent par centaines, à de toutes petites échelles le plus souvent. Partout en France, on expérimente, le plus souvent sur le temps long. Des caisses locales se constituent et permettent à des dizaines ou des centaines de personnes ici et là, à Bordeaux, à Montpellier, à Grenoble... d’expérimenter très localement le principe de la SSA.
Un soutien public, à la fois politique et financier, est indispensable pour mener ces expérimentation en attendant un éventuel fonds national (une première proposition de loi vient d'être déposée en ce sens) ou bien, qui sait, la généralisation d'une loi sur la SSA en France. Mais dans ces expérimentations, où une place centrale est donnée aux habitants, le chemin aussi important que le résultat. Il s'agit de "repolitiser nos assiettes", de se rencontrer, afin de concilier des objectifs trop souvent présentés en tension : protection des agriculteurs, accès à l'alimentation et transition écologique.
Plusieurs projets de caisses locales sont en route : à Grande Synthe, sur initiative de la Ville, à Loos-en-Gohelle avec les Anges Gardins, et plus récemment à Roubaix sous l'impulsion de l'épicerie citoyenne El Cagette.
Cependant, au delà de ce projets de caisses locales, les acteurs de l'économie solidaire des Hauts de France sont déjà mobilisés dans un mouvement de transformation dont la visée se rapproche très fortement des objectifs portés dans le projet de SSA. Ces acteurs interviennent sur plusieurs axes : l’accompagnement à l’installation et le développement de modèles de production agricole durable, la création d'outils de transformation partagés, des pratiques de distribution ou commercialisation aux mains des producteurs et des citoyens en circuit court, la création et l’animation de lieux de partage, de mixité sociale, de sensibilisation et d’éducation à une approche globale de l’alimentation (tiers-lieux nourriciers, éco-lieux, jardins partagés, épiceries solidaires mixtes...), des dynamiques d'implication des citoyens et de mobilisation des publics... Et justement parce qu'ils ne rentrent pas dans les cases "habituelles" des acteurs de l'alimentation, de l'aide alimentaire ou des acteurs du lien social, certaines structures jouent le rôle de mise en lien et impulsent des dynamiques de coopération autour du droit à une alimentation choisie avec les acteurs de leur quartier.
Sous l'impulsion de l'Apes, régulièrement sollicitée par les acteurs travaillant sur ces questions, plusieurs réseaux ont décidé de se rassembler dès début 2024 pour organiser un événement commun en 2025 sur le sujet de la Sécurité Sociale de l'Alimentation. Participent à cette dynamique le réseau des AMAP, artisan du lien entre les paysans et les citoyens, la Compagnie des Tiers-lieux, qui anime une communauté de tiers-lieux nourriciers, Les Sens du Goût, Initiatives Paysannes et l'Atelier Paysan, le CERDD, qui anime une communauté sur la précarité alimentaire, Bio en HdF, Vrac Hauts-de-France...
L'objectif de cet événement est de créer de l'interconnaissance entre des acteurs qui ne se croisent pas toujours (par exemple : monde paysan, acteurs de l'alimentation, acteurs du lien social...) parce qu'ils n'interviennent pas sur la même "brique" de la question alimentaire. Ils partagent pourtant la même volonté de rendre accessible au plus grand nombre une alimentation locale de qualité, dans le respect de l'environnement et de l'humain. Leur coopération permettrait de répondre aux enjeux de manière plus systémique.
Rassembler à l'échelle régionale autour d'une direction commune, incarnée par la Sécurité Sociale de l'Alimentation, est donc l'occasion de développer de la coopération, de la mutualisation d'outils (numériques, de communication...), du partage de pratiques (approvisionnement, mixité des publics...) et de l'inspiration qui peut ensuite être redéployée dans les territoires.
Cet événement se déroulerait fin juin, sur une journée. Il serait à la fois un lieu de ressources (témoignages inspirants d'acteurs régionaux ou nationaux), d'acculturation sur toutes les dimensions de la SSA, un espace de rencontre et de partage, mais également de recensement des besoins pour continuer à avancer ensemble par la suite. L'animation se veut participative et inclusive.