Quand les « faiseux » de l’économie solidaire œuvrent au développement des territoires : compte-rendu de l'AG 2021

 

《C'est cette manière de faire bien particulière, en se "frottant" avec les habitants et les acteurs économiques locaux, qui est la plus à même de faire de grands fleuves qui  transforment la société en profondeur..》- Extrait du bilan 2020 de l’Apes

Faire du « local global » et non du « local bocal », comme le disait Anne-Marie Flandrin, notre trésorière, durant cette AG. Cela résume bien l’esprit au sein de l’Apes dont on a parlé le matin : partir des ressources internes pour agir en se reliant aux autres, et non en restant dans l’entre-soi. On a pu constater de la même manière l’après-midi durant le temps consacré au développement endogène des territoires l’importance de miser sur les ressources locales en se reliant aux autres territoires dans un maillage de solidarités et de coopérations économiques.

L’Apes, ancrée dans ses ressources internes et ouverte sur le monde
Cette AG a ainsi permis de montrer encore une fois à quel point l’Apes se voulait un mouvement d’éducation populaire actif de « faiseux » et non de doux rêveurs, affichant un cap tout en étant ouvert sur le monde.
Elle a pris soin en particulier en 2020 de ses ressources internes : des chantiers ont ainsi été menés sur les conditions de travail des salariés, les perspectives ouvertes par le télétravail….. Côté collectif (le CA de l’Apes), des réflexions ont été lancées autour d’un texte sur la production locale qui est devenu la dynamique PLUSS en 2021 (et une ode à Alain Goguey a été entonnée, qui a co-initié ce projet et part peu à peu vers d’autres horizons, bon vent Alain !). Vis-à-vis des adhérents, le réseau a assuré son rôle en prenant leur pouls, en valorisant les initiatives résilientes menées pendant la période Covid, en faisant « bulle d’oxygène » (dixit Réjane Roger de la Maison de l’environnement de Dunkerque). Par exemple, un chantier spécifique sur les pratiques RH avec une communauté apprenante a été proposé aux acteurs, et l’adhésion « en nature » sous la forme don/contre-don s’est développée (accompagnement en communication par Habe Medias, prise de photos par Célia Beauvais…), en cohérence avec nos valeurs.

 

photo ag apes 2021

Des territoires s’appuient sur des processus solidaires endogènes et sur un maillage d’entraide
Plutôt que de tout miser sur des apports extérieurs, ne vaut-il pas mieux pour une collectivité renforcer aussi les ressources locales et les initiatives qui répondent à des besoins identifiés ?
Avec les crises sanitaire, sociale, écologique et économique, on a assisté au développement de ces initiatives ancrées dans le territoire. C’est ce projecteur que l’Apes a voulu mettre lors de cette après-midi, tant l’ESS a besoin d’un écosystème favorable et de collectivités soutenantes.
On a ainsi pu entendre l’exemple de la Ville de Raismes dans le Valenciennois. Commune minière au passé chahuté en recherche d’un nouveau modèle, celle-ci s’est appuyée sur la participation citoyenne pour enclencher un développement solidaire. Une écoferme a ainsi éclos dans une cité-jardin à la culture de solidarité bien présente : les habitants ont participé à la conception de ce lieu et aux activités quotidiennes qui s’y mènent. D’autres initiatives sont nées, comme le jardin cultivé en permaculture avec les habitants ou un système d’échanges local. Aujourd’hui, si la collectivité est toujours en appui pour créer les conditions du pouvoir d’agir, les citoyens sont davantage à l’initiative des projets, des personnes se révèlent et prennent confiance en elles.
Conditions du succès, on citera l’importance de lieux de convivialité pour accompagner les projets des habitants, la notion de parcours citoyen (un premier engagement en amène un deuxième pour une implication plus pérenne) et la nécessité de former les agents de la commune à cette manière de faire avec les usagers.

Partage d’idées et fierté de la ruralité
A Auger Saint-Vincent, village de l’Oise proche de la région parisienne, une démarche similaire a été menée. A partir d’une démarche d’embellissement de la commune, une nouvelle dynamique s’est mise en place, favorisant l’engagement des citoyens dans leur commune au point que « tout le village est devenu un tiers-lieu », d’après son maire M. Dallongeville. Le presbytère a été transformé en café citoyen-espace de coworking ouvert aux activités culturelles et une épicerie solidaire va y faire son nid. Un centre communal d’actions citoyennes est en cours de montage, proposant un espace de partage d’idées entre élus et habitants. Et un magazine « La rurale » a été repris pour valoriser les activités menées sur le territoire et donner de la fierté d’habiter en rural. (lire « Plouc pride, un nouveau récit pour les campagnes »)
Conséquences, les gens parlent de leur village avec fierté, des habitants encouragés par la dynamique osent se lancer dans des entreprises de transition, les nouveaux habitants s’intègrent dans l’aventure et d’autres villages viennent s’inspirer de cet exemple concret pour lancer eux aussi leur démarche.
Parmi les conditions de la réussite est évoqué ici le maillage nécessaire avec d’autres initiatives ailleurs pour ne pas rester isolés et continuer à progresser.

Et les liens avec les entreprises extérieures ?
Lors d’ateliers, les participants ont pu explorer le rôle des collectivités dans ce type de développement, mettant en avant l’importance de prendre son temps pour ces démarches de long terme, d’avoir des élus volontaristes et une instance pour faciliter le partage du pouvoir. Côté citoyens, on a pointé l’intérêt d’avoir un lieu repéré pour l’accueil d’initiatives, et de tirer l’intérêt personnel d’habitants vers l’intérêt collectif pour la mise en place d’actions.
On a aussi pu questionner les potentiels liens à tisser entre l’écosystème local et les entreprises extérieures au territoire. L’exemple du village de Ecques a été cité, la municipalité utilisant la commande publique pour inciter une grande entreprise de restauration collective à travailler avec des producteurs locaux. Cette commune a par ailleurs initié la création d’une superette en SCIC dont elle est partie prenante. Ce mode de faire est plus complexe que les procédures habituelles, mais aussi plus riche pour tous !

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D’une logique d’investissement à une logique d’accompagnement
Dans la posture de grand témoin des échanges, Patricia Andriot, vice-présidente du Réseau des Territoires pour une Economie Solidaire et cheffe de projet à l’Agence nationale de la cohésion des territoires a pointé le fait que de plus en plus de collectivités développaient de nouvelles manière d’intervenir pour répondre aux besoins des habitants sur l’environnement, la citoyenneté ou le numérique. Elle a souligné l’intérêt d’utiliser les outils et l’esprit transversal de l’ESS dans ces démarches et la nécessité de faire du lien entre les territoires innovants et ceux qui souhaitent s’engager dans cette voie. Passer d’une logique d’investissement à celle de l’accompagnement, travailler la coopération avec les acteurs et les citoyens en respectant les différences de postures, se faire accompagner sur les techniques d’animation participative, un vrai métier, et s’appuyer sur les outils mis à disposition pour expérimenter (par l’État avec par exemple les contrats de relance et de transition écologique), telles sont les clés de la réussite de ces projets.

Pour finir, Luc Belval, Président de l’Apes, a souligné l’importance d’entendre le local au-delà de son sens géographique, comme une occasion de mettre en interaction des espaces autour de projets communs. Il a évoqué le rôle de passeur, facilitateur et lieu de capitalisation de l’Apes, indispensable pour faire face aux situations complexes et aux évolutions en cours, ce qui veut dire qu’il y a encore du boulot pour les « faiseux » !

Alain Goguey

Ode à Alain

A-t-on un souvenir de l'Apes sans Alain ?
Lyon en point de mire, tu pars un jour prochain

de chti à gone valises bouclées
pralulines et bons vins tu vas déguster

Toi qui sais empoigner toutes les ficelles
tu tisses des liens en guise de dentelle

Centres sociaux journalisme ou syndicat
tu te bats sans relâche pour défendre les droits

Et même avec notre équipe salariée
tu es le premier à penser à not' bonne santé

Don Quichotte de tous les combats
Tu n'en es pas moins là quand on a besoin de toi

Critique et estocades en bandoulière
Tu pousses les vils jusque dans leur tanière

Amoureux des bons mots et des textes fleuves
Tu n'apprécies pas qu'on ratiboise tes oeuvres

Mais on ne t'en veut pas car on sait que tu as
la bonté imprimée tout au fond de toi

Alors continue à entonner au ciel
dans la nuit qui te fuit ta musique essentielle

Berce nous de ta voix légendaire
de chansons justifiées et d'hymnes solidaires

Et nous sommes très fiers d'entonner ce refrain
Aujourd'hui on se sent tous Génération Alain !