[La lettre de l'Apes N° 64] L'économie solidaire rassemble l'ici et l'ailleurs
local global
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Echanges de pratiques, coopérations avec d’autres à 3 comme à 3000 km, essaimage d’idées inspirantes, plaidoyers à tous les niveaux… L’économie solidaire a tout intérêt à relier le local au global, parce que chaque action sur le terrain est reliée à des enjeux globaux et que les problèmes planétaires se résolvent aussi sur le terrain local. Tour d’horizon.

Illustration Evelyne Mary

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-  La lettre de l'Apes Nr 64 : L'économie solidaire rassemble l'ici et l'ailleurs :
http://apes-hdf.org/_docs/Fichier/2021/11-210104063113.pdf [.PDF - 1.59 Mo]

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p 3 ODD choisis ta planète.png
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Lire le portrait de territoire : Dynamiques citoyennes en Pays de Mormal

Lecture du dossier en ligne

Interview

« Nous sommes tous dans le même bateau ! »

 

Michel Roussel, administrateur de l’Apes

Pourquoi ce groupe de travail « local/global » à l’Apes ?
Notre réseau mène des travaux sur ce thème depuis 5 ans, avec le Grdr Migration-Citoyenneté-Développement au niveau régional, et aussi au niveau national avec le Mouvement pour une Economie Solidaire et au niveau international avec le RIPESS* Europe. A un moment, on s’est dit qu’il serait intéressant de rechercher la cohérence globale de ces actions et d’offrir plus de visibilité à ces enjeux auprès de nos adhérents.
Ancien responsable de l’association des clubs cigales régionale, je suis aussi, depuis longtemps, engagé dans la solidarité internationale, par le biais de l’ONG « Les Amis des Enfants du Monde » qui soutient des projets éducatifs dans 13 pays. J’ai ainsi pris conscience de l’importance de cette phrase « Pensons global, agissons local ». De là vient ma décision de faire partie de ce groupe de travail.

Qu’est-ce que cette phrase signifie pour toi ?
Il ne suffit pas de faire des plaidoyers sur le modèle de société que nous appelons de nos vœux. Il faut aussi agir sur son territoire. Et inversement : on ne peut travailler à l’éducation des enfants au niveau local sans envisager aussi le développement du pays. De même, on ne peut œuvrer à développer l’économie solidaire en France sans envisager aussi le développement de celle-ci dans les pays du Sud. Tout est relié. Cela est encore plus clair par temps de Covid qui nous démontre que les enjeux locaux ou nationaux sont irrémédiablement liés aux enjeux planétaires : nous sommes tous dans le même bateau !

Pour changer d’échelle, l’économie solidaire a tout intérêt à échanger avec les autres pays. Les sources d’inspiration sont multiples sur la planète. Les accorderies viennent du Québec, les jardins partagés des Etats-Unis, les repair cafés de Belgique, les villes en transition de Grande-Bretagne, les tontines et les frigos du désert du continent africain et Roubaix a été pionnière dans le défi zéro déchet…

Le global, ce n’est pas seulement à entendre d’un point de vue géographique ?
Ce terme peut effectivement se comprendre dans le sens transversal : au-delà de sa stricte activité, une organisation a tout intérêt à faire du lien avec le territoire, ses habitants, veiller à être accessible à tous, avoir une ambition plus vaste de transformation de la société tout en étant ancrée dans le local. C’est la marque de fabrique de l’économie solidaire, qui doit continuer à proposer des solutions globales et revendiquer une autre mondialisation.

* Réseau International de Promotion de l'ESS


 

michel roussel
michel roussel
Evelyne Mary
Evelyne Mary

A lire

Les villes en partage. Activer les communs urbains

Des sources d’inspiration partout dans le monde

Du Rwanda au USA en passant par la Corée du Sud ou la France, ce sont 137  initiatives résilientes inspirantes menées dans le monde qui sont présentées dans le livre « Les villes en partage, Activer les communs urbains » (éditions Libres et Solidaires) édité par Shareable, média à but non lucratif.  Celles-ci mettent en place des services administrés démocratiquement par et pour les citoyens dans l’esprit des communs. Les communs renvoient à la construction d’une ressource, matérielle ou non (un logiciel ou le four à pain d’un village par exemple), par une “communauté” spécifique, limitée et identifiée comme telle. La communauté fixe les règles d’usage et de régulation de la ressource (le logiciel sera libre d’accès et gratuit, le four à pain sera accessible à tous les habitants).*

Au Rajasthan (Inde), l’association de la jeunesse indienne tarunbharatsangh.in accompagne les villageois pour collecter les eaux et garantir la santé de la rivière (y compris en cultivant bio). 72  villages ont créé en 1990 un « parlement de la rivière ». 250 000 puits ont ainsi été remplis et 7 réseaux fluviaux asséchés depuis 80 ans ont été ressuscités.
A Kigali (Rwanda), la plate-forme safemotos.com lancée par 2 rwandais développe les transports partagés en motos, en les sécurisant par un suivi smartphone. Cela produit un changement de culture de la conduite, tout en réduisant l’empreinte carbone et l’engorgement routier.
Au USA, coabode.org permet à des familles monoparentales de partager un logement.
En France, la maison des Babayagas à Montreuil est un habitat partagé autogéré qui permet à des femmes âgées de finir leur vie ensemble et chez elles.
Anne-Marie Flandrin

 * Plus d’infos, lire la lettre de l’Apes sur les communs


A écouter aussi :
Les explorateurs de l’engagement, junior association de Tourcoing organisant des  séjours à l’étranger afin de savoir « comment on s’y prend ailleurs pour  faire grandir les jeunes de moins de 18 ans en citoyenneté »


 

note de lecture villes en partage.jpg
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SEED ou l’urbanisme réciproque

Formé à l'urbanisme, Raoul sort des sentiers battus : il veut donner du sens à son métier. Alors, il creuse les pistes et sa curiosité l'emmène jusqu'en Argentine. Là-bas, il prête main forte au collectif Otromodo. Le projet de cette association est d’apprendre aux personnes vulnérables à construire ou réhabiliter elles-mêmes leurs maisons, à partir de matériaux locaux et écologiques, en s’appuyant sur la solidarité entre habitants.
De retour à Lille en 2015, Raoul rapporte dans ses bagages de beaux souvenirs de coopération, la technique de construction en terre et la capacité à organiser des ateliers écologiques et solidaires.
Il est rejoint par Guillaume, Séverine, Nina... Ensemble, ils créent l’ONG SEED. Inspirés par le projet argentin, ils s'activent pour améliorer le cadre de vie des populations les plus défavorisées. Parmi de nombreuses actions mises en place en Hauts-de-France, ils organisent des ateliers participatifs à La Condition Publique de Roubaix. Les habitants du quartier mettent les mains dans la terre et découvrent ses usages en construction, afin de réhabiliter leur logement. Pour contribuer au mieux-vivre ensemble en France, SEED mise sur la réciprocité avec l'ailleurs. « Chaque année, des volontaires participent aux chantiers d’Otromodo. Maintenir ces échanges, ça nous nourrit réciproquement. Tout en nous formant aux techniques, nous les épaulons sur le suivi et le développement du projet, la recherche de financements, l'évaluation…»
ongseed.fr
Fanny Obled


 

Chantier Otromodo - crédits SEED
Chantier Otromodo - crédits SEED

Choisis ta planète : les ODD à hauteur d’enfant

Choisis ta Planète naît en 2003 dans le but de développer la réalisation de films en région. Dès le début, les thèmes de l’enfance, du vivre-ensemble et de l’écologie sont au cœur des productions. En 2012, l’association est invitée au Togo pour animer des ateliers cinéma auprès d’enfants, sur la thématique de la santé. Cette expérience deviendra le cœur de projet de l’association qui, depuis, renouvelle chaque année des séjours audiovisuels à l’étranger. Résultat actuel : 21 courts-métrages de fiction, réalisés dans 7 pays, toujours avec des enfants abordant des enjeux de développement durable. Ces films, dont les scénarios sont coconstruits avec les associations locales, deviennent ensuite les supports d’actions d’éducation et ont été diffusés dans 80 pays. L’association a décidé d’inscrire ses actions dans le cadre des 17 Objectifs de Développement Durable (ODD) définis par les Nations-Unies.
Cette année, la petite équipe mise sur la sensibilisation des enfants et part à la rencontre de 60 classes de CM1/CM2 de la région. Ludivine, une bénévole, explique : « Nous concevons l’animation via un cheminement continu entre local et global. Par exemple, on a un film qui traite de l’accès à l’eau en Colombie : on part de cette entrée locale et on amène les enfants à élargir cet enjeu à la planète, puis à réfléchir à leur propre consommation d’eau ». En fin de séance, les enfants signent un acte d’engagement à leur portée, devenant ainsi vecteurs de changement.
choisistaplanete.com
Magali Nayrac


 

Crédits Choisis ta planète
Crédits Choisis ta planète

Le RIPESS Europe œuvre à la métamorphose des économies !


Au-delà des difficultés à mettre en place les échanges (barrière des langues et des cultures...), Bérénice Dondeyne comme Drazen Simlesa n'en débordent pas moins d'enthousiasme pour leurs missions. « Cela réclame son lot d'efforts, remarque ce dernier, qui est universitaire croate, mais quand je vois les perspectives qui s'ouvrent devant nos yeux, je me dis que cela en vaut la peine »
Ces deux acteurs sont engagés, l’une comme administratrice, l’autre en tant que Président, dans le RIPESS Europe. Ce mouvement vise à favoriser l’échange de pratiques et la coopération entre ses membres, dans le but de renforcer la visibilité de l’ESS. Drazen Simlesa souligne l’importance de porter un plaidoyer commun à l’échelle européenne. Pour lui, l’appropriation de l’ESS par les jeunes est fondamentale.
« En 2019, nous avons initié un projet de recherche-action visant à former les enseignants à intégrer l’ESS dans leurs programmes. » Il souligne aussi l’influence du RIPESS auprès des partenaires territoriaux.

« Dans ma région, l'ESS en est encore à ses balbutiements. Grâce à la légitimité apportée par ce réseau, nous pouvons discuter avec des élus et des collectivités qui ne nous prêteraient aucune attention autrement. »
Cette double vision local-global, Bérénice Dondeyne la porte tout autant. Présidente du Mouvement pour l’Economie Solidaire (MES) Occitanie, elle est également impliquée au niveau national via le MES. Au niveau du RIPESS, elle porte notamment le Forum Social Mondial des Economies transformatrices, basé sur la convergence entre différents mouvements de l’économie alternative (agroécologie, biens communs, économies féministes et ESS). « Ce type de dynamique est crucial pour enrichir les actions portées localement et transformer en profondeur le système économique actuel. »
ripess.eu/fr
Olivier Ruel-Mailfert


 

Crédits Ripess Europe
Crédits Ripess Europe

Du côté des adhérents

                                   
Elevages sans frontières, qui reçoit donne !

L’association de solidarité internationale, Elevages sans frontières, a pour mission d’améliorer durablement les conditions de vie de communautés paysannes vulnérables en Afrique de l’Ouest, au Maghreb et en Haïti. Une famille qui reçoit 2 chèvres offrira à une autre famille 2 chevreaux nés dans leur élevage. L’entraide par la responsabilisation des bénéficiaires entraîne une émulation sociale et crée une solidarité locale. L’association appuie et valorise aussi la production locale de lait au Burkina Faso, pour lutter contre l’importation de lait déshydraté.
Pour la directrice, Pauline Casalegno, « le principe de l’association résonne avec les dimensions ESS. L’Apes est comme un phare, l’ESS un cheminement collectif. Il est fondamental d’adhérer au réseau pour se nourrir des démarches des adhérents. Les ONG peuvent aussi servir de passerelles et donner une dimension internationale à l’ESS. »
elevagessansfrontieres.org
Florence Gning


 

Crédits Elevages sans frontières
Crédits Elevages sans frontières

Interview

Croc’La Vie ou le développement par essaimage

Anthony Béharelle, fondateur de Croc’La Vie, entreprise de restauration collective bio pour les moins de 3 ans.

- 3 500 repas bios, cuisinés et livrés chaque jour dans 260 crèches de la région ; 30 salariés, une notoriété acquise…. C’est quoi ta recette ? 

- Un positionnement radical : une expertise en alimentation infantile de qualité, la proximité dans la relation, le 100% bio.

- Pourquoi veux-tu changer d’échelle ?

- Depuis l’origine, mon projet est de soutenir la structuration des filières bio locales et de changer les comportements alimentaires dans les familles, et il y a encore du boulot ! La bio sera probablement la norme dans quelques années, mais de quelle bio parlons-nous ? C’est aujourd’hui que cela se construit….

- Sur quoi t’appuies-tu pour réaliser ce changement ?

- Sur l’essaimage. Suite à la rencontre d’une collègue sur Lyon, nous avons créé une SCIC, Kidibio, pour accompagner des créateurs qui partagent une charte commune.
Mais cela demande du temps. Pour développer ce type de projet sur des territoires, nous avons décidé de nous rapprocher aussi de petites sociétés de restauration collective classiques qui souhaitent donner du sens à leur métier. Je me consacre à l’accompagnement de ces nouvelles coopérations. Il faut confronter nos utopies au réel. C’est ainsi que, sans renier notre projet politique, nous progresserons vers une société plus solidaire.
croc-la-vie.com
Propos recueillis par Michel Roussel


 

Crédits Croc' la vie
Crédits Croc' la vie
Evelyne Mary
Evelyne Mary

La culture pour dépasser les frontières

En milieu rural, la tendance au repli sur soi est forte. Les « frottements artistiques » avec les habitants amènent une ouverture sur l’extérieur. C’est la mission que s’est donnée « La chambre d’eau », implantée dans l’Avesnois.
« En proposant des résidences d’artistes, nous cherchons implicitement à donner envie de venir "habiter" le territoire, même de manière ponctuelle, explique Vincent Dumesnil, codirecteur de l’association. Créer de la connexion avec les habitants, croiser les cultures, les regards… Notre objectif a toujours été de permettre un « pas de côté » entre l’ici et l’ailleurs. »
Avec l’accueil d’artistes extérieurs puis la mise en place d'actions de coopération internationale, cette dimension s’est peu à peu inscrite au cœur même du projet associatif. De la Finlande à la Creuse, les initiatives ne cessent de se déployer. En 2013 naît le partenariat avec Arte sustentable au Mexique, dans le but d’éloigner les jeunes de Morelos des réseaux mafieux. Il s’appuie sur des résidences d’artistes et des expositions croisées, coconstruites avec les jeunes.
L’accueil et l’envoi de délégations d’habitants, d’artistes et d’élus locaux renforcent le lien entre territoires avec pour terreau commun la ruralité. Ils permettent de valoriser les projets qui y naissent et de renforcer les dynamiques territoriales, associant un large éventail d’acteurs. Au delà de l’expérience humaine extrêmement riche, ils offrent l’opportunité de développer curiosité et découverte, « car les frontières traversées ne sont pas que territoriales. La mobilité géographique accompagne l’ouverture artistique, politique, humaine… ».
lachambredeau.fr
Olivia Ruel-Mailfert

Crédits La Chambre d'eau
Crédits La Chambre d'eau